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Suicides chez les jeunes : ce n'est pas seulement un problème médical !
Quand un adolescent nous inquiète, parce qu'il semble plonger dans la déprime et le désespoir au point qu'il pourrait vouloir se suicider, qu'attendre du monde médical, mais aussi d'enseignants, de parents, de copains, ...- et d'autres encore ?
Pour trouver quelques idées utiles, la FCO a interrogé des personnes de tous horizons qui ont dû, pour des raisons professionnelles ou personnelles, trouver des réponses concrètes à cette question. Les commentaires, questions et témoignages de chacun alimenteront un débat large et pluraliste.
1. Spécialiste : Ce médecin est responsable de consultation spécialisée pour adolescents. Il participe actuellement à une recherche sur le suicide chez les jeunes et les adolescents. Il souligne les problèmes que peut poser avec ses collègues le besoin de prolonger l'hospitalisation des tentamen au-delà du temps " physiquement " nécessaire. En présentant les réseaux de soutien qu'il met en place, il montre l'intérêt de les concevoir le plus largement possible. Il tient ainsi compte du rôle de la fratrie, des amis, d'un milieu scolaire très compétitif et des media identifiant trop systématiquement adolescence et délinquance.
2. Rescapé : Ce jeune homme de 24 ans est rescapé de plusieurs années d'anorexie gravissime. Il a été hospitalisé pendant de nombreux mois, dans des services de médecine, de psychiatrie et finalement en soins palliatifs. Ne pouvant pas compter sur la présence de ses proches, il investit les médecins d'une mission quasi existentielle. Il n'a en revanche aucune attente des psychiatres, qui " ne savent pas voir ". À 27 kg, à l'approche d'une mort lui apparaissant alors " paisible ", il attribue sa survie à sa psychologue, la seule personne lui ayant clairement exprimé sa désapprobation.
3. Enseignante : Cette enseignante française de 40 ans a une longue expérience des établissements accueillant des élèves en difficulté. Selon elle, l'enseignant a un rôle crucial de dépistage en raison du manque de disponibilité de l'encadrement médical dans les établissements.
4. Ami: Ce jeune homme de 22 ans a eu deux amis de collège qui se sont suicidés, l'un à 18 ans, l'autre à 22 ans - les deux au terme de longues hospitalisations en milieu psychiatrique. Privilégiant nettement le rôle des amis par rapport à celui des médecins, des enseignants et surtout de la famille, il était prêt à tout donner pour sauver ses amis. Il se retrouve aujourd'hui totalement impuissant face au désir suicidaire d'autrui, mais éprouve aussi du respect pour ce qu'il nomme " un sursaut de liberté ".
5. Professeur d'arts plastiques: Cette enseignante d'arts plastiques en France parle de deux adolescents suicidaires qu'elle a bien connus, l'un dans sa famille, l'autre comme élève. Dans les deux cas, elle évoque le caractère pesant de la famille, de son histoire et d'un contexte de violence qui appelle d'importantes remises en question familiales. Du point de vue médical, ses attentes s'orientent vers la psychothérapie en considérant que les médicaments ne sont pas une solution. Le milieu scolaire - et plus largement la communauté sociale - devraient selon elle pleinement jouer leur rôle d'intégration pour faciliter l'extraction du milieu familial.
6. Animateur: Cet animateur dans un centre socioculturel de la région lausannoise n'a jamais été directement confronté à un adolescent suicidaire. C'est par anticipation d'une telle situation qu'il témoigne. Il attend de ses collaborateurs qu'ils soient à la hauteur des réponses précises qu'exigent les adolescents. Il critique la lourdeur institutionnelle et administrative du support médical en étant conscient des enjeux politiques qui président à cette situation. Comme beaucoup d'autres, il n'a que peu d'attentes de la part des parents et considère que les jeunes devraient mieux se soutenir entre eux.
7. Maîtresse d'apprentissage: Cette mère d'un garçon de 12 ans est coiffeuse et n'a jamais connu de personne ayant montré des signes de dépression lui faisant craindre un risque de suicide. Elle semble peu intéressée par l'objet de notre entretien : pour elle, l'amour est un meilleur bagage que la théorie ! Contrairement à la plupart des personnes rencontrées, ses attentes se tournent prioritairement vers la famille.
8. Entraîneur: G. témoigne en tant qu'entraîneur d'une équipe de foot de juniors (12-14 ans). Il n'a jamais été en contact avec un jeune suicidaire et souligne la difficulté à déceler une telle situation compte tenu des angoisses " naturelles " de l'adolescence. Cela est d'autant plus le cas dans le cadre d'un club sportif où les jeunes viennent aussi pour oublier leurs problèmes. Il faut selon lui très bien connaître chaque individualité, être disponible et ne pas hésiter à élargir le nombre d'interlocuteurs. Il fait confiance aux compétences spécifique du monde médical.
9. Copain: Ce jeune homme de 24 ans est proche de plusieurs personnes s'étant suicidées ou ayant fait des tentatives de suicide. En refusant de condamner a priori le recours au suicide, il met en évidence les circonstances sociales et humaines qui génèrent la souffrance. Suivant les situations, il insiste sur la difficulté à voir quand une personne peut réellement devenir suicidaire. Il sait aussi à quel point les attentes peuvent être différentes et parfois si énormes qu'il devient difficile de les assumer sans " le risque de sombrer avec ". Il n'a aucune confiance dans l'assistance d'un milieu médical " voué à l'échec ".
10. Pasteur: Ce pasteur de moins de 30 ans s'occupe spécifiquement des jeunes dans une petite ville de Suisse romande. Il précise qu'il n'y a pas de position officielle de l'église protestante sur le suicide. Le rôle des gens d'église est de présenter leurs convictions en étant prêt à en débattre avec toutes les capacités d'écoute et d'accompagnement que cela requiert. Vis-à-vis des médecins, il déplore leur difficulté à pouvoir communiquer correctement. En liant implicitement le problème du suicide au contexte actuel de désillusion généralisée, il rappelle que la religion est une ressource culturelle progressiste et peut ainsi contribuer à y faire face.
12. Commerçante
13. Prêtre : Ce prêtre travaille dans une maison d'accueil pour jeunes en difficultés dans une ville de Suisse romande. Il n'aborde pas les questions théologiques. En étant identifié comme le "Monsieur suicide" de l'église catholique dans la région, il déplore surtout le désintérêt des autres prêtres confrontés à ce problème. Il attire l'attention sur le choc que constitue pour l'adolescent l'intervention d'un support médical spécialisé faisant d'emblée intervenir la "grosse artillerie" thérapeutique. Comme beaucoup d'autres, ses attentes dépassent le cercle habituel des amis, des parents et des enseignants pour revenir au problème clé de l'individualisme.
Responsable: Pierre Tinguely Fondation Charlotte Olivier Av de la Gare 1700 Fribourg