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INTERVIEW DU PRÊTRE
Ce sont plutôt les autres gens d'église qui envoient des jeunes chez moi ! Je deviens un peu le " Monsieur suicide ", " Monsieur overdose " de la région, une sorte de paratonnerre. Les autres prêtres qui s'adressent à moi me disent des choses comme : " je ne sais pas comment parler à des jeunes ". Je trouve dommage que les autres prêtres agissent ainsi, car ils manquent des occasions de mettre quelque chose en route à plus long terme, par exemple un groupe de jeunes.
2. La situation est très différente si le jeune fait appel ou si c'est notre impression qu'il va mal, alors qu'il n'a rien demandé. S'il est déjà suivi médicalement, parfois je vois le psychiatre avec ses parents, ses enseignants ; on renforce le suivi. S'il n'est suivi par personne, alors là c'est parfois très difficile de le décider d'aller voir un psychologue, un psychiatre ou un médecin.
· Nous travaillons également avec une Unité spéciale pour adolescents, mais je dois dire que cette Unité fait souci : Là-bas, c'est une véritable " course au suicide ", tous les matins il y en deux ou trois qui se sont tailladés les veines ou qui ont fait d'autres tentatives de ce genre.
· Le problème c'est pour un jeune de passer de rien du tout (comme suivi spécialisé) à la grosse artillerie ; dans ce domaine on a tendance à faire tout ou rien.
3. Les amis, les copains, j'essaie de les voir, car pour un jeune c'est plus facile de s'exprimer avec eux. Mais ce n'est pas toujours une bonne solution, parce que souvent les copains sont aussi dans le marasme.
· Les parents sont présents aux entretiens de groupe, du moins pour les plus jeunes. Les plus âgés, quand ils ont coupé le contact avec leur parents, peuvent nous demander de les aider à rétablir ce contact. Il est arrivé que ce soient les parents qui viennent nous demander de l'aide. Dans ces cas-là, on a tenté un truc : venir à la maison en ami, faisant comme si on connaissait les parents depuis vingt ans, pour pouvoir rencontrer le jeune sur place. Mais ça ne marchait pas, c'était cousu de fil blanc, le fils a tout de suite vu, il a rigolé. Ce qu'il faut d'abord faire avec les parents, c'est les déculpabiliser ; par exemple leur dire : " vous avez trois enfants, il y en a un qui a de grandes difficultés, mais regardez les autres, que vous avez aussi élevés, ils vont bien "
· Les enseignants sont souvent les premiers à repérer un jeune qui a besoin d'aide. C'est d'ailleurs souvent les prof. de religion, car ils ont un rapport particulier avec les élèves, ils ne mettent pas de note. Ils me demandent alors de venir parler à une classe, quelque fois deux ou trois élèves veulent nous rencontrer après pour une discussion plus personnelle.
· Le " médiateur drogue " lui aussi repère parfois en premier un jeune en difficulté. Mais il faudrait que ce médiateur ne soit pas en même temps professeur de l'élève en question !
De façon générale, je dirais qu'il y a un problème de société : les gens sont tellement individualistes que ce n'est pas porteur, pas aidant. Il est arrivé qu'un élève à problème soit envoyé au pair en Allemagne, sous prétexte de " changer d'air " -- mais vraiment, c'est une façon d'éloigner la question, une façon de ne pas voir le problème en face.