INTERVIEW DE LA COMMERCANTE

J'ai été personnellement concernée puisque mon jeune frère s'est suicidé. Nous les sœurs on voyaient bien que quelque chose clochait, qu'il n'allait pas bien et nous sommes une famille très unie et très solidaire.

Alors on a tous essayé de parler avec lui, on a parlé longuement, mais il répondait invariablement vouloir se suicider. Finalement, j'ai trouvé la possibilité pour lui d'aller travailler deux mois chez des amis en Crête. Cela s'est magnifiquement passé, les amis en question étaient très contents, lui aussi, mais trois jours après son retour on l'a retrouvé pendu dans sa chambre.

Au fond, j'ai toujours eu peur qu'il se suicide durant cette période, puisqu'il en parlait et que nous en parlions avec lui, mais je n'ai jamais cru qu'il le ferait et pourtant j'ai toujours pris mon frère au sérieux, ce qu'il disait et faisait, et nous avions une relation très proche. Mais je n'ai jamais pensé vraiment que cela puisse arriver.

Nous lui avons bien sûr conseillé d'aller consulter un spécialiste, un psy, ma sœur était alors en traitement pour une dépression, elle lui a dit qu'elle avait confiance dans son médecin et qu'il devait y aller. Mais lui refusait. Finalement nous avons appelé le psy pour lui demander de recevoir notre frère. Il a demandé son âge, comme il était majeur, le psy a répondu que notre frère devait appeler lui-même, que la demande devait venir de lui, qu'il ne pouvait rien faire.

Et ce type de réponse de la part des professionnels est la chose la plus terrible dans des circonstances pareilles. On se sent déjà si impuissant, si démuni et le médecin nous répond que si le jeune ne le veut pas on ne peut rien faire. Comme commerçante j'ai énormément de contact avec des mères de jeunes et les inquiétudes de ce genre sont très fréquentes. Ce dont elles ont le plus besoin c'est qu'on les écoute, c'est réellement ce qu'elles attendent et ce dont elles ont besoin, qu'on les écoute vraiment. Plusieurs d'entre elles m'ont dit avoir fait les mêmes démarches et avoir reçu la même réponse : si ce n'est pas le jeune qui téléphone et qui prend l'initiative de la consultation, le spécialiste ne peut rien faire et les mères se retrouvent au bout du fil avec leur angoisse. Alors elles viennent chez moi et ce que je peux leur offrir de mieux c'est l'écoute, vraiment, bien sûr, j'essaie de les orienter vers des soins possibles. Pour cela je me renseigne auprès de mes amis et de mes clientes, je m'informe sur les médecins qui ont l'air bien, dont mes amis m'ont parlé en bien, parfois je demande directement à une cliente qui est médecin des noms de collègues où la mère pourrait aller.

Je pense aussi qu'il doit y avoir quelque chose de génétique ou d'héréditaire dans le suicide, tout de même dans ma famille il y en a eu 2 déjà dans la famille du grand-père, bon on est une famille très nombreuse !.

Je pense que tous les suicides ne sont pas évitables, lorsque quelqu'un est très gravement malade mental, là on n'y peut presque rien et c'est plutôt la famille qu'il faut aider.