Cellules souches embryonnaires: De vraies questions?

La manipulation des cellules souches embryonnaires fait peur. Elle pose de sérieux problèmes éthiques. Va-t-on créer des monstres? Des sur-hommes? Des esclaves hyper-dociles? Aurons-nous bientôt des élevages d'embryons humains destinés à la production de cellules souches?
Les justifications des scientifiques sont toujours les mêmes: Leurs découvertes permettraient de soigner encore plus de maladies. Pour ce faire, nous ont-ils répété, nous avons besoin de cellules souches embryonnaires.

Or de récentes découvertes risquent bien de réorienter le débat: Il se pourrait bien que ces fameuses cellules embryonnaires ne soient pas aussi indispensables que cela pour le progrès de la science et de la médecine.

Reprenons au début: qu'est-ce qu'une cellule souche? Qui dit "cellule souche" dit cellule de départ d'une lignée de cellules filles. Une cellule de base se divise et ses descendantes deviennent des cellules spécialisées. Dans un embryon, l'ovule fécondé donnera ainsi naissance à toutes les sortes de cellules qu'on peut observer sous un microscope: globules rouges et globules blancs dans le sang, cellules de peau, de muscle, etc. C'est le processus de différenciation.

La grande idée avec les cellules souches embryonnaires, c'est qu'elles pourraient servir à réparer des organes endommagés. On a ainsi déjà réussi à réparer un coeur: Un homme de 46 ans victime d'un infarctus s'est fait implanter des cellules souches à l'endroit de la lésion cardiaque; après quelques semaines, on a pu constater une nette réparation de la zone d'infarctus. L'explication avancée par les chercheurs est que les cellules souches se sont divisées dans la partie du coeur lésée et se sont différenciées en nouvelles cellules cardiaques.

Magnifique résultat. Or il se trouve que les cellules souches utilisées ne provenaient pas d'unr d'un embryon. Il a suffit de les prélever dans la moëlle osseuse du malade lui-même, ce qui pose nettement moins de problèmes éthiques.

On commence en effet à se rendre compte que le processus de différenciation n'est pas à sens unique: une cellule déjà partiellement différenciée (par exemple dans la moëlle osseuse) pourrait "revenir" à un état plus primordial de cellule souche (voir le schéma) et ensuite se re-différencier en tout-à-fait autre chose.

S'il s'avère qu'on peut vraiment faire toutes les sortes de cellules dont on peut avoir besoin à partir, disons, de cellules prélevées dans la moëlle du malade lui-même, alors il se pourrait bien que tout le vaste débat sur la fabrication et l'utilisation thérapeutique des cellules souches embryonnaires deviennent nettement moins pertinent.

De plus et pour prendre encore un peu plus de distance par rapport à ce débat sur les cellules souches, citons la très officielle Commission Centrale d'Ethique de l'Académie Suisse des Sciences Médicales: "Les technologies de pointe ne sont à disposition que d'une fraction infime de l'humanité. (...) Plus de 2,5 milliards d'êtres humains n'ont pas accès à une eau potable propre, ce qui génère de graves problèmes de santé et une mortalité élevée (...). Si cependant, tel qu'il émerge des débats sur la recherche effectuée sur les cellules souches embryonnaires, l'on argumente avec le respect humain, l'on ne saurait ignorer que ledit respect revient de droit à la totalité de l'humanité (...). La grande inégalité régnant dans la répartition globale des ressources médicales est un motif suffisant pour remettre fondamentalement en cause la légitimation éthique de l'usage scientifique des cellules souches." (Bulletin des médecins suisses, No 83 - 3, 2002)

Se serait-on trompé dans les questions?

Avril 2002